« L’étrange bibitte » rapporte !

21 décembre 2023

Par Gilles Fontaine, directeur du comité régional pour l’autisme et la déficience intellectuel (CRADI – Montréal)

Depuis plusieurs jours, nous n’entendons parler que du Kingsgate. Les critiques, presqu’unanimes, se sont fait entendre. « Mauvais timing », « aider des millionnaires », « cadeau pour récupérer l’appui d’une région », « gouvernement déconnecté », chaque jour apporte son lot de critiques virulentes.

Mais que dire de la rentabilité et des retombées économiques? Quelles sont-elles? Je ne tomberai pas dans le panneau des critiques. Je serai constructif et vais plutôt parler du communautaire, « étrange bibitte » qui s’abreuve des subventions gouvernementales.

Dans un texte publié sur LesAffaires.com, la journaliste Emmanuel Martinez, s’appuyant sur une étude de 2021 de la firme AppEco, affirme qu’investir 100 M$ dans le communautaire génère un PIB de 110 M$ et des retombées de 183,7 M$, tout en créant 1 900 emplois (environ 53 000 $/emploi)[1]. À titre comparatif, l’investissement public dans le projet Northvolt (7 G$) créera environ 4 000 emplois (1,75 M$/emploi)[2].

De plus, Pascal Lépine, entrepreneur social, affirme dans un texte d’opinion de septembre 2023 que, selon des données de 2021, les OBNL du Québec représentent 10,1 % du PIB de la province et génèrent des retombées économiques de 43,2 G$. Et c’est sans parler des 155 000 personnes qui œuvrent dans les OBNL communautaires[3].

Pourtant, malgré ce rendement et ces retombées, l’argent versé au communautaire par l’État a entrainé un manque à gagner de 12 % entre 2001 et 2020[4]. Il n’est donc pas surprenant que les organismes communautaires souffrent de la pénurie de main d’œuvre : les directions tombent, les employés passent et le travail s’accumule. Pourquoi? Parce que la dernière chose que le communautaire fait c’est de réduire ses services. C’est contre nos valeurs.

Selon un mémoire produit par la Table nationale des corporations de développement communautaire en décembre 2019, un organisme de trois personnes salariées devrait recevoir un financement de fonctionnement d’au moins 197 000 $[5] pour exercer adéquatement sa mission. Je vous garantis que nous sommes loin du compte. À cela s’ajoute le manque de services dans le réseau public de santé et services sociaux, un manque que doit pallier le communautaire, mettant encore davantage sur la touche les actions sociales et l’autonomie, l’essence même de l’action communautaire autonome.

En conséquence, le sous-financement des organismes communautaires limite les salaires, affecte les conditions de travail et réduit le nombre d’employés. Il est donc ardu pour ceux-ci de se mobiliser adéquatement, de parfaire leurs connaissances et celles de leurs membres ou d’agir en lien avec leur mission[6].

Il faut arrêter de penser que les OBNL ne sont que des « puits sans fond » qui engouffrent subventions par-dessus subventions. Leur apport est colossal et je dirais même essentiel, autant socialement qu’économiquement. Beaucoup plus essentiel que deux matchs préparatoires d’une équipe professionnelle de la Californie.


[1] Ça rapporte investir dans des organismes communautaires, par Emmanuel Martinez, LesAffaires.com, le 24/01/2022 et consulté le 21/11/2023, https://www.lesaffaires.com/imprimer/strategie-d-entreprise/pme/ca-rapporte-dinvestir-dans-des-organismes-communautaires/630399. Étude de l’impact économique des corporations de développement communautaire, publiée le 26/11/2021, consulté le 21/11/2023, pp. 9 – 10, https://www.tncdc.com/wp-content/uploads/2022/01/Rapport-TNCDC-final.pdf.

[2] Article de Julien Arseneault, L’aide pourrait dépasser 7 milliards, publié dans La Presse + le 28/09/2023, https://www.lapresse.ca/affaires/2023-09-28/northvolt-s-installe-au-quebec/l-aide-pourrait-depasser-7-milliards.php. Voir aussi,

[3] Article paru dans La Presse +, Manque de données pour des partenaires économiques importants, publié le 8/5/2023 et consulté le 21/11/2023, https://plus.lapresse.ca/screens/31daad53-344d-49b6-aaeb-7529d6366b4b%7C_0.html.

[4] Voir note 1, pp 8 – 9 de l’étude. Ce manque à gagner résulte de l’effet de l’inflation ainsi que de l’augmentation de la population desservie sans pour autant que les ressources financières augmentent suffisamment pour compenser.

[5] Pour un plan d’action à la hauteur des besoins communautaires du Québec, Table nationale des corporations de développement communautaire, 6/12/2019, pp 7, consulté le 21/11/2023, https://www.tncdc.com/wp-content/uploads/2019/12/M%C3%89MOIRE-PAGAC-TNCDC-version-finale-6-d%C3%A9cembre-2019.pdf.

[6] Id.

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