Le vieillissement des personnes ayant une déficience intellectuelle

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Analyse de leurs besoins eu égard aux habitudes de vie, à la santé
physique et mentale ainsi qu’aux planifications résidentielle, financière et légale

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Dès 2009, les membres du CRADI, réunis en assemblée générale, faisaient part de leurs préoccupations en regard du vieillissement d’un nombre grandissant de personnes ayant une déficience intellectuelle fréquentant les organismes. Leurs parents, frères ou sœurs manifestaient eux aussi des inquiétudes. Il fut convenu à l’époque que cette problématique serait explorée de façon systématique avec pour objectif de proposer aux planificateurs de services et aux décideurs politiques des lignes directrices pour des services répondant vraiment aux besoins des personnes et de leurs familles. La première étape fut une revue de littérature, parue en 2013 sous le titre : « le vieillissement des personnes présentant des incapacités intellectuelles, métasynthèse d’articles publiés entre l’an 2000 et aujourd’hui ». La deuxième étape proposée fut une étude des besoins tels qu’exprimés par les personnes ayant une déficience intellectuelle elles-mêmes et par leur famille, avec comme bassin de recrutement la région de Montréal; en effet, le mandat du CRADI est régional et nous souhaitions saisir les besoins en rapport avec l’environnement dans lequel personnes et familles évoluent. Nous croyons cependant, au vu des résultats, que bien des observations et perceptions recueillies pourraient s’appliquer plus largement au Québec.

La recherche a été confiée à Madame Sonia Rioux, chercheuse indépendante, qui avait déjà effectué la métasynthèse et que nous croyons parmi les personnes les plus au fait de cette problématique encore en balbutiements. À la lecture, vous pourrez constater que la recherche couvre de nombreuses facettes des préoccupations des personnes et des familles et apporte une foule d’informations qui touchent au quotidien, aux habitudes, aux difficultés et aux aspirations des familles et des personnes. Tout en respectant une rigueur dans la présentation des résultats, il a été choisi de rapporter les propos des personnes interrogées à travers de très nombreux verbatim qui illustrent avec éloquence, mais aussi avec nuance les divers aspects du vécu, faisant de cette recherche un tableau vivant et coloré. Nous remercions chaleureusement Madame Rioux pour le vaste travail effectué, travail qui pourra alimenter largement les responsables de services publics, inspirer les organismes communautaires pour des actions dans de multiples champs, donner lieu à des approfondissements de recherche à partir des premiers et nombreux constats ici formulés. Nous voulons aussi remercier amplement toutes les personnes qui ont accepté de rencontrer la chercheuse, personnes ayant une déficience intellectuelle, parents, frères et sœurs, intervenants du milieu communautaire, qui ont été très généreuses de leur temps, de leurs expériences et de leurs idées. De plus, cette recherche n’aurait pas été possible sans la contribution financière de l’Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ) et du Curateur public du Québec (CPQ) et nous les remercions de leur intérêt et de leur engagement envers les personnes ayant une déficience intellectuelle.

La recherche apporte des informations, mais soulève aussi de larges questions. Elle ne porte pas sur le passé. Cependant le présent des familles et des personnes est largement tributaire de leur cheminement dans les réseaux de services au cours des quarante dernières années, ce qui correspond aussi à la période de désinstitutionnalisation au Québec. À voir comment la vie des personnes ayant une déficience intellectuelle vieillissante reste intimement liée à celle de leurs parents, et notamment au vieillissement de ces derniers, on ne peut pas ne pas se questionner sur l’absence ou l’extrême lenteur de la mise en place de dispositifs appropriés pour conduire les personnes ayant une déficience intellectuelle à une réelle intégration et une véritable autonomie. Si l’autonomie de ces personnes avait été acquise durant leurs jeunes années d’adultes, il est probable que les questions seraient différentes, voire moins nombreuses lors de leur vieillissement. Si les services offerts, notamment au niveau résidentiel et socioprofessionnel, avaient été plus nombreux et plus performants, les familles auraient peut-être plus volontiers fait confiance au réseau pour assurer la sécurité de leurs fils et filles quand ils ne seraient plus là.

La recherche vise surtout à nous nourrir pour le futur. À cet égard, nous ne l’avions pas cherché puisque la recherche a démarré avant les dernières transformations du réseau de la santé et des services sociaux, elle nous donne beaucoup d’informations sur l’appréciation que font les usagers de ces derniers changements; ce qui a été relaté est inquiétant et devrait interroger les personnes responsables dans les choix qui sont en cours. Les sentiments d’isolement, d’abandon et d’impuissance qui en ressortent ne sont pas dignes d’une société démocratique qui est censée protéger les plus vulnérables de la société. Jusque vers les années 2000, le réseau public de services occupait une place centrale et se voyait investi par là même d’un rôle en ce qui a trait au respect des droits fondamentaux des personnes. L’intervention progressive d’organisations privées par le biais de contractualisation, le développement d’initiatives communautaires pour pallier l’insuffisance des services publics, proposer des réponses souples et originales ou tout simplement complémentaires, le recours à des initiatives philanthropiques ou charitables sont autant de raisons de se questionner sur les directions que prennent les services, et ceci dans une perspective de pleine réponse aux besoins et de respect des droits des personnes parmi les plus vulnérables de la société et de leurs familles. Il semble néanmoins que le statu quo n’est pas souhaitable, notamment l’actuelle organisation des services.

Quant aux perspectives qui se dégagent pour le réseau communautaire, la recherche émet toutes sortes de propositions d’action qui trouvent leur plein sens en regard d’une plus grande intégration des personnes dans la communauté. L’information, le soutien sont des domaines qui sont familiers et pour lesquels les organismes ont déjà développé des projets intéressants. Une large place est faite à la prévention avec une possibilité infinie d’initiatives qui pourraient être très efficaces. Le milieu communautaire représente un filet de sécurité essentiel, alors que pour les personnes du troisième âge, ce sont déjà habituellement des organismes communautaires qui constituent le relais des activités structurantes de la vie active, proposent des activités qui soutiennent le maintien dans la communauté, la conservation des habiletés fonctionnelles et permettent de lutter contre l’isolement. Les organismes communautaires ont donc un plein rôle à jouer, bien avant de se substituer à un réseau public en déclin, rôle pour lequel ils devraient être largement soutenus financièrement.

Avant de clore, nous souhaitons remercier toutes les personnes qui se sont investies dans cette recherche aux côtés de Madame Rioux : le conseil d’administration du CRADI, Thérèse Colin et Marie-Noëlle Ducharme, respectivement coordonnatrice et directrice du CRADI, Sylvie Raymond et Monique L’Hérault pour la relecture du document et Sylvie Raymond pour la mise en page, Compagnons de Montréal et L’Arche de Montréal pour leurs belles photos.

Le CRADI a toujours été engagé auprès des personnes ayant une déficience intellectuelle et leur famille. Plus que jamais, il souhaite que des progrès soient faits face au vieillissement des personnes et qu’ainsi le lourd poids que les familles portent dès le plus jeune âge de leurs fils et filles, s’allège enfin dans les mains de personnes responsables et d’organisations sûres.

Aux parents qui ont participé à cette recherche, nous souhaitons avoir été fidèles à vos propos et préoccupations. Aux autres, nous espérons avoir suscité un intérêt et un engagement. À tous, nous souhaitons bonne lecture!